Circulations, resémantisations et l’histoire transnationale

La notion d’histoire transnationale recouvre une pluralité d’approches des phénomènes économiques, politiques, scientifiques, culturels avec comme horizon un monde global.  Celui-ci n’est évidemment pas homogène, les catégories intellectuelles qui nous engageraient à imaginer cette homogénéité étant elles-mêmes marquées par un point de vue spécifique exprimé dans une langue et une tradition écrite, ancré dans un système de références.

Le sens et l’usage d’un objet matériel comme d’un système intellectuel sont directement corrélés au contexte dans lequel ils se situent. Cette observation triviale conduit à s’intéresser aux passages d’un contexte à l’autre, aux phénomènes de transformation qu’ils impliquent. La mise en évidence de ce qu’on pourrait désigner comme une resémantisation ne vise pas à prôner un relativisme généralisé mais à faire apparaître les chaînes de réinterprétations qui constituent la base d’une histoire transnationale située elle-même dans des espaces spécifiques.

Les transferts culturels pourraient s’apparenter à des traductions s’ils n’impliquaient une attention particulière portée aux vecteurs sociaux, donc aux mouvements migratoires qui servent de véhicules aux passages. Ces mouvements sont liés de l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine à l’existence de routes économiques, à des déplacements d’objets manufacturés ou d’objets d’art.

Comprendre un transfert culturel implique de reconnaître l’organisation du système d’accueil de tout objet matériel ou intellectuel importé et de la mécanique de transformation que son appropriation implique. L’idée selon laquelle une histoire globale partirait d’un monde fractionné pour parvenir à une homogénéité terminale compromet la perception des circulations et des déplacements de sens constitutifs d’une véritable globalité.

La recherche sur les transferts culturels a une dimension heuristique et méthodologique. Il s’agit de reconnaître des circulations passées qui ont structuré le cours de l’histoire. Elles sont nécessairement nombreuses, invitent à prendre en considération de multiples aires culturelles dans leurs articulations spécifiques.  Chacun des cas de figure abordés n’est pas sans susciter des problèmes théoriques propres, différents selon qu’on se concentre sur l’histoire sociale, sur l’histoire de l’art, sur l’histoire des sciences, etc. Le séminaire annoncé exposera quelques travaux en cours.

Par Michel Espagne (ENS, Paris)